Les chercheurs ont mis au point des traitements très efficaces contre l'hépatite C. En plus de l'association interféron pégylé et ribavirine (bithérapie pégylé) disponible depuis une quinzaine d'années, trois nouveaux antiviraux à action directe (AAD) ont vu le jour. Le but de ces efforts est d'éradiquer cette maladie qui fait de nombreuses victimes chaque année.

Vaincre le virus de l'hépatite C (VHC)

Depuis 15 ans, les professionnels de santé ne disposaient que d'un traitement comportant une association interféron pégylé et ribavirine (bithérapie pégylé). Il s'agissait d'un traitement long, lourd, grevé d'effets secondaires notables et d'une efficacité inconstante. Deux inhibiteurs de protéase (telaprevir et boceprevir) ont été commercialisés en 2011 chez les malades de génotype 1. L'ajout de l'une ou de l'autre molécule à une bithérapie pégylé, offrait, chez les malades de génotype 1, une efficacité supplémentaire au prix d'effets secondaires importants (rashs cutanés souvent très sévères, asthénie et anémie parfois majeure). Ces trithérapies étaient peu ou pas efficaces chez les patients infectés par un autre génotype, qui représentent environ 40% des malades. Elles ont été initialement prescrites
chez les malades sans réponse à la bithérapie traditionnelle et sévèrement atteints. Elles ont induits chez ces malades difficiles à traiter, des effets secondaires sévères dans plus de 50% des cas avec une efficacité de l'ordre de 40%. Le telaprevir et le boceprevir ne seront plus prescrits en raison de la disponibilité de nouvelles molécules mieux tolérées, plus efficaces, et sans interaction médicamenteuse.

Trois nouveaux antiviraux à action directe (AAD) ont obtenu, en France, une autorisation de mise sur le marché au cours de l'année 2014 : le sofosbuvir (Gilead), inhibiteur de la polymérase NS5B, le simeprevir (Janssen), inhibiteur de deuxième génération de la protéase NS3/4A et le daclatasvir (BMS) inhibiteur de la polymérase NS5A du VHC. Ces nouvelles molécules administrées à raison de un comprimé par jour en association à une bithérapie pégylé ont permis la guérison de 80 à 90% des malades de génotype 1 et 4, naïfs. La durée de cette trithérapie peut être réduite à 12 semaines pour le sofosbuvir. Les résultats de cette trithérapie utilisant le sofosbuvir ont été moins bons chez les malades déjà traités. La survenue d'une rechute chez près de 30% de ces malades et les problèmes de tolérance liés à l'interféron devraient conduire, en 2015, à la fin de l'utilisation de l'interféron dans l'hépatite chronique C (sauf éventuellement dans le sous-­‐groupe de malades de génotype 3, atteints de cirrhose et en échec de traitements antérieurs).

Trois types d'associations orales ont été utilisés pendant l'année 2014

L'association sofosbuvir ribavirine s'est révélée décevante chez les malades de génotype 1 et 3. Elle garde comme seule indication les malades de génotype 2, pour une durée de traitement de 12 semaines et reste la référence de traitement chez ces malades. Plus fréquemment, le sofosbuvir a été associé au simeprevir pendant 12 semaines et au daclatasvir pendant 24 semaines avec ou sans ribavirine. Ces deux associations se sont révélées constamment efficaces sur de petites séries de malades naïfs ou en échec.

Chez les malades de génotype 3, l'association sofosbuvir daclatasvir administrée 12 semaines a fourni de très bons résultats sauf chez les malades cirrhotiques qui restent pour ce génotype particulier les malades les plus difficiles à guérir (AASLD 2014 Abstract LB3). Ces nouvelles molécules ont peu ou pas d'effets secondaires propres. La combinaison sofosbuvir + simeprevir a entrainé une réponse soutenue chez 79% des patients de génotype 1 dans l'une des premières cohortes (TRIO) de malades de génotype 1 aux Etats Unis (Le daclatasvir n'étant pas encore commercialisé dans ce pays). Par contre dans cette cohorte, le pourcentage de réponse soutenue de l'association sofosbuvir interféron et ribavirine a été de 67 à 73% chez les malades prétraités (AASLD 2014 Abstract 46).

La combinaison sofosbuvir + ledipasvir (Gilead)

La combinaison sofosbuvir + ledipasvir (Gilead) a été réunie dans le même comprimé. Les quatre premiers AAD (sofosbuvir, simeprevir, daclatasvir et sofosbuvir ledipasvir) ont été commercialisés en France en 2014 après une phase d'ATU (Autorisation Temporaire d'Utilisation). Le seul antiviral dont le prix a été fixé est le sofosbuvir (41 000 euros pour 12 semaines de traitement). Son indication a été restreinte par arrêté du 18/12/2014 aux malades qui présentent une fibrose F2 sévère, F3 ou F4 ou une cryoglobulinémie symptomatique.

Le score de fibrose F2 sévère n'a pas encore été défini. L'indication d'un traitement utilisant le sofosbuvir doit être validée selon ce même arrêté, par une réunion de concertation pluridisciplinaire. Les prix provisoires d'un traitement de 12 semaines sont pour les autres AAD de 33000 euros pour le simeprevir, de 35 000 euros pour le daclatasvir et de 48 000 euros pour la combinaison sofosbuvir + ledipasvir. Ces trois AVD sont utilisés dans les indications restreintes de l'ATU à savoir maladies sévères F3 ou F4 sans alternatives thérapeutique, ou malades en pré ou post transplantation. Le prix très élevé de tous les AAD pourrait expliquer leur restriction d'utilisation pour une délivrance qui est restée hospitalière. L'année 2015 sera l'année des combinaisons associant deux ou trois AAD.

La combinaison sofosbuvir + ledipasvir (Gilead)

Cette combinaison formulée dans un seul comprimé par jour a été testée dans trois grandes études (ION1, ION2, ION3) chez les malades de génotype 1 et dans des études plus petites sur des profils spécifiques (patients cirrhotique en échec de traitement par anti protéases (étude SIRUIS), récidive après transplantation, coïnfection VHC+VIH). Cette combinaison est pan génotypique, active sur tous les génotypes. Elle a fourni d'excellents résultats, souvent supérieurs à 95%, avec une durée de traitement de 12 semaines qui paraît suffisante chez la majorité des malades de génotype 1, voire 8 semaines pour les malades jamais traités et sans cirrhose (EASL 2014).

Pour les cirrhotiques en échec de traitement antérieur, un traitement de 12 semaines est suffisant à condition de rajouter de la ribavirine (AASLD 2014 Abstract 82 et LB 6). Un nouvel anti NS4A (GS-­‐5816) en association avec le sofosbuvir a fourni des résultats prometteurs dans la situation la plus difficile à traiter: malades de génotype 3 cirrhotiques et en échec de traitements antérieurs. Dans cette situation l'association sofosbuvir ledipasvir n'a fourni bons résultats que dans 73% des cas (AASLD 2014 Abstract 197 et LB11).

Les antiviraux à action directe AbbVie

Il s'agit de deux spécialités : d'une part une association fixe ombitasvir (anti-­‐NS5A) / paritaprevir (anti-­‐protéase) boostée par le ritonavir en un comprimé par jour et d'autre part le dasabuvir (anti-­‐polymérase) en 2 comprimés par jour. L'association de ces deux spécialités a été évaluée, avec ou sans ribavirine, au cours d'un large programme de développement clinique, ayant inclus plus de 2300 patients, infectés par le virus de l'hépatite C de génotype 1 et de génotype 4, y compris les patients
cirrhotiques (TURQUOISE II), les patients ayant récidivé après transplantation hépatique (CORAL-­‐I) et les patients co-­‐infectés par le VIH (TURQUOISE I).

Ces deux spécialités, issues de la R&D d'AbbVie, ont montré des résultats très prometteurs, avec des taux de guérison souvent supérieurs à 95%, avec une durée de traitement de 12 semaines qui paraît suffisante pour la majorité des malades (EASL et AASLD 2014 Abstract 81).

L'association fixe ombitasvir/paritaprevir/ritonavir en combinaison avec dasabuvir avec (cirrhotique) ou sans ribavirine sera proposée dans le traitement de l'hépatite C chronique due au virus de génotype 1 alors que l'association fixe sera proposée dans le traitement de l'hépatite C chronique due au virus de génotype 4, avec ribavirine (AASLD 2014 Abstract 1928). Les effets
indésirables les plus fréquemment observés avec ces spécialités étaient : nausées, démangeaisons, insomnie et anémie, liées à la ribavirine. AbbVie vient d'obtenir en France une ATU de cohorte pour le traitement des malades de génotype 1 et 4 (stade de fibrose F3, ou cirrhose compensée, ou manifestations extra-­‐hépatiques).

Le traitement, dans le cadre de ces ATUs sera gratuit. Ce nouveau traitement a fait l'objet d'un avis positif du CHMP en Novembre 2014 et a obtenu des autorisations de commercialisation aux États Unis, au Canada et en Suisse en décembre.

La combinaison MK2 (Merk)

Elle comporte le grazoprevir (inhibiteur de protéase de 2ème génération) et l'elbasvir (Inhibiteur de NS5A). Ces deux molécules sont pan génotypiques (actives sur tous les génotypes), et se prennent en une fois par jour. L'étude C-­‐WORTHY a évalué l'efficacité et la tolérance de cette combinaison avec ou sans ribavirine chez malades de génotype 1 naïfs ou non répondeurs, cirrhotiques, mono ou coinfécté. Les résultats préliminaires de cette étude sont bons. La tolérance semble correcte (fatigue, céphalées et insomnies) (AASLD 2014 Abstract 196).

La combinaison TRIO (BMS)

Elle comporte le daclatasvir, l'asunaprevir (anti protéase) et le beclabuvir (antiNS5B). Cette combinaison a fourni de bons résultats, compris entre 93 à 98% chez des malades cirrhotiques de génotype 1 à condition de rajouter de la ribavirine (AASLD 2014 Abstract LB2).

La plupart de ces associations ont fourni des résultats préliminaires remarquables chez les malades atteints d'hépatite C en pré ou post transplantions avec un profil de tolérance correct avec peu ou pas d'interférence avec les immunosuppresseurs. Il en est de même chez les malades co-­‐infectés VHC+VIH.

Il n'existe plus aujourd'hui de groupes particuliers vis-­‐à-­‐vis du traitement de l'hépatite C. A l'issue de toutes ces études présentées à l'EASL ou à l'AASLD 2014, on peut raisonnablement penser que le traitement de référence de l'hépatite chronique virale C sera une association de 2 ou 3 antiviraux directs sans interféron pendant 12 semaines avec de la ribavirine chez les patients cirrhotique. La plupart de ces associations permettent d'espérer une guérison dans 95% avec une tolérance correcte.

A efficacité et tolérance égales, le choix de l'association se fera sur son coût. Environ 15 000 malades ont été traités en France pendant l'année 2014. Il s'agissait en majorité de malades sévères F3 ou F4, ou en situation de pré ou de post transplantation. La même hiérarchisation prioritaire est prévue pour 2015.

En France, des enveloppes de 400 et de 750 millions d'euros ont été respectivement dédiées pour les années 2014 et 2015 au traitement de l'hépatite chronique virale C. Ces enveloppes ont été destinées aux malades sévères quel que soit leur nombre. On peut espérer à fin 2015 avoir terminé le traitement de tous les malades sévères. ll sera ensuite nécessaire d'envisager le traitement des formes moins sévères et en priorité des malades qui ont été traités par bithérapie par le passé sans pouvoir guérir. Les conditions sont maintenant réunies pour aboutir, à terme, à l'éradication de l'infection à VHC.

Pour cela, il faudrait améliorer le dépistage et faciliter l'accès aux soins des patients qui apparaît aujourd'hui relativement compliqué.